Parce que la fragilité et l’amour sont notre secours
Combien n’avons-nous pas attendu et espéré notre liberté retrouvée ?! La liberté d’à nouveau pouvoir se réunir et profiter de la culture en toute décontraction et insouciance. Ici et là circulaient des rumeurs sur les roaring twenties, ces années folles. Non pas que j’y attachais beaucoup de foi, mais que nous allions tomber sans transition d’une crise dans une autre ? Non, personne ne l’avait vu venir.
Alors que nous mettons la dernière main à notre brochure de la saison, il pleut des bombes sur l’Ukraine et une guerre dévastatrice fait rage sur le sol européen. Une guerre – et en cela toutes les guerres se ressemblent – qui anéantit toute humanité, toute beauté, tout réconfort et rase tout sur son passage. Cibles civiles, écoles, maisons de retraite, théâtres... Des villes entières sont effacées de la carte. Il m’est impossible de ne pas en parler. Nous voilà donc fin prêts à présenter de l’art. Tout ce qui a de la valeur est impuissant quand la barbarie a le verbe haut.
L’un des plus beaux moments du printemps passé s’est déroulé à l’Ancienne Belgique, où Arno, lors d’un de ses concerts d’adieu, a été rejoint sur scène par l’autre icône bruxelloise, Stromae. Ensemble, ils ont chanté Putain, putain, c’est vachement bien, nous sommes quand même tous des Européens. Notre Europe est une maison à plusieurs pièces, dans laquelle chacun·e peut être lui-même ou elle-même.
Même ces temps obscurs et incertains, nous continuons pourtant à présenter du théâtre, avec vous et pour vous. Parce que la fragilité et l’amour sont notre secours.
Tel est notre combat et nous le menons avec pour armes principales l’émotion, la sincérité et parfois l’indignation et la colère.
C’est pour cela que nous désirons vous présenter le meilleur théâtre possible. Et cela ne concerne pas que la virtuosité. Nous ne le faisons pas pour être admirés, ou pour mettre nos capacités en évidence. Non, nous le faisons en donnant de la place à ceux et celles qui souhaitent raconter une histoire. Des artistes qui cherchent, qui osent échouer, qui doutent, qui explorent, qui hésitent, qui ne savent pas, mais qui ressentent et qui veulent partager tout cela avec vous. Car avec vous tous, nous formons une communauté.
Cette saison, nous plongeons aussi dans une nouvelle période de subvention. C’est pour cela que cet automne, nous portons un regard rétrospectif et reprenons un certain nombre de spectacles que nous avons créés au cours des années précédentes. Certains sont devenus des classiques entre-temps, d’autres n’ont pas encore pu être joués assez souvent à cause de la pandémie. Outre Para avec Bruno Vanden Broecke, il y a Outwalkers de Moya Michael, Who’s Tupac? de Jr.cE. sA.r, Metamorphoses de Manuela Infante. Pitcho Womba Konga reprend Fire Will Become Ashes, But Not Now qui, après trois reports, a connu une première glorieuse au début de cette année. La compagnie Voetvolk s’en donne à cœur joie avec Into the open, une fête trépidante que vous ne pouvez absolument pas rater.
Au printemps, nous mettons l’accent sur de nouvelles créations de l’ensemble du KVS. Ainsi, la chorégraphe Bahar Temiz poursuit son exploration, après l’Antarctique dans ICE, elle porte le regard vers le ciel dans sa nouvelle création, PUNKT, une chorégraphie qui repousse les frontières. Avec un puissant spectacle sous forme de théâtre danse, Mimi’s Shebeen, Alesandra Sutin nous immerge dans l’héritage de la Sud-Africaine Miriam Makeba, qui outre une star mondiale était aussi une fervente activiste anti-apartheid. Et avec De Duivels (Les diables), nous avons le plaisir de vous présenter du talent émergent : Mats Van Droogenbroeck, Nona Demey-Gallagher et Timo Sterckx forment ensemble le collectif Krapp et revisitent, dans un contexte contemporain, l’un des plus retentissants procès en sorcellerie.
Dans notre brochure, nous vous offrons un tour d’horizon de la saison complète. Parce que nous sommes fiers de ce que nous vous réservons et parce que nous avons besoin de vous. Nous avons besoin de vous pour faire partie de cette grande et diverse communauté que nous façonnons ensemble.
- Michael De Cock