MÈRE COURAGE
Mère Courage est la célèbre pièce anti-guerre de Bertolt Brecht qui met en scène la cantinière Anne Fierling. Brecht situe sa pièce pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648), un conflit européen opposant catholiques et protestants. Une cantinière était une femme autorisée à marcher avec les troupes et à vendre de la nourriture, des boissons et des produits de consommation courante aux soldats. Au cours de l'histoire, elle perd ses enfants dans la guerre qu'elle contribue elle-même à entretenir. Brecht veut qu'on la condamne pour son opportunisme, mais elle a quelque chose de tragique et de stratifié à la fois.
Pour Lisaboa Houbrechts, Mère Courage est un personnage ambigu et complexe. Elle est « tout-en-un » : à la fois coupable et victime, mère et commerçante. Mais pour Houbrechts, la guerre n'est pas seulement une affaire de nations et de peuples. La guerre fait également rage au sein de la famille et dans l'intimité du corps féminin. Houbrechts choisit de mettre en scène le texte original de Mère Courage dans son intégralité, y compris les chansons de Paul Dessau. Elle souhaite explorer la manière dont le texte peut devenir contemporain précisément en raison de son historicité. Avec une distribution diversifiée incluant Lubna Azabal, Laura De Geest, Koen De Sutter, Alain Franco, Joeri Happel et Aydin Isleyen, Lisi Estaras and Pietro Quadrino, Lisaboa traduit le texte théâtral en un univers multilingue, musical et visuel unique offrant une large place à la beauté.
Mère Courage fait partie d'une série impressionnante de personnages féminins énigmatiques dans l'œuvre de Houbrechts, comme la Dulle Griet, Medea et Yerma.
Qui était Bertolt Brecht ?
Bertolt Brecht est né en 1898 à Augsbourg dans une famille de la classe moyenne, où ses parents ont encouragé son amour pour la littérature. Pendant la Première Guerre mondiale, il a été mobilisé comme infirmier, ce qui lui a donné une expérience directe des horreurs de la guerre. Cette période a eu une influence durable sur sa vision du monde et son œuvre ultérieure, dans laquelle il critiquait souvent le militarisme et les conséquences destructrices de la guerre. Après la guerre, il a commencé comme critique de théâtre et dramaturge, et dans les années 1920, il a déménagé à Berlin. Là, il a découvert le marxisme et a été fortement influencé par des penseurs et des artistes de gauche. Brecht s’est de plus en plus engagé dans la lutte contre les inégalités sociales et l’oppression, un thème récurrent dans son travail.
Brecht s’opposait au théâtre traditionnel, qu’il trouvait trop émotionnel et superficiel. Il a développé à la place le théâtre épique, un style destiné à inciter le spectateur à une réflexion critique plutôt qu’à une implication émotionnelle passive. Par l’humour, le jeu distancié et l’effet de distanciation (Verfremdungseffekt), il cherchait à mettre en lumière les contradictions absurdes de la société. Il utilisait cet effet pour briser l’illusion théâtrale et obliger le public à réfléchir au message de la pièce.
En 1933, après l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Brecht a dû fuir l’Allemagne en raison de ses convictions marxistes et de son opposition au fascisme. Il collaborait également avec des artistes juifs et était marié à l’actrice et dramaturge juive Helene Weigel, ce qui le rendait encore plus vulnérable sous le régime nazi. Son exil l’a conduit d’abord au Danemark, puis en Suède et en Finlande, avant de s’installer finalement aux États-Unis. Pendant cette période, il a écrit l’une de ses œuvres les plus célèbres, Mère Courage et ses enfants (1939).
En 1947, après la Seconde Guerre mondiale, il a été interrogé par les autorités américaines pour ses supposées sympathies communistes. Peu après, il a quitté les États-Unis et s’est installé en Allemagne de l’Est, où il a fondé le Berliner Ensemble avec le soutien du gouvernement communiste. Brecht est resté une figure influente du théâtre jusqu’à sa mort en 1956. Ses idées sur le théâtre et la société ont inspiré des générations de dramaturges et d’écrivains.
German Angst
L’Allemagne a connu plusieurs guerres dévastatrices au cours des siècles, chacune s’appuyant sur les traumatismes et les incertitudes de la précédente. Mère Courage et ses enfants se déroule pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui a commencé comme un conflit religieux entre catholiques et protestants avant de devenir une lutte de pouvoir européenne impliquant la Suède, la France, la Pologne et l’Espagne. Cette guerre a laissé une empreinte profonde sur l’Allemagne, tant physiquement que psychologiquement. La destruction prolongée, la mortalité massive (40 % de la population) et les atrocités extrêmes ont engendré un traumatisme collectif persistant pendant des générations.
La population était livrée à des armées itinérantes et des mercenaires qui pillaient, tuaient et violaient sans distinction. Le crime et l’anarchie régnaient, l’incertitude et la méfiance étaient omniprésentes, et les normes sociales se transformaient constamment. Ce traumatisme historique a contribué au concept de German Angst, une peur existentielle profondément ancrée du chaos et de l’insécurité. Le souvenir de cette guerre a renforcé une mentalité défensive et une tendance à la militarisation comme protection contre de futures menaces.
Même des siècles plus tard, le besoin d’un pouvoir fort et d’une armée disciplinée trouve en partie ses racines dans cette « catastrophe originelle » allemande. Ainsi, la Guerre de Trente Ans n’a pas seulement façonné la structure géopolitique de l’Allemagne, mais aussi sa psyché nationale et sa conscience collective. Ses répercussions se font encore sentir aujourd’hui, par exemple dans la politique allemande face à la guerre à Gaza ou aux élections parlementaires à venir.
Qui était Bertolt Brecht ?
Bertolt Brecht est né en 1898 à Augsbourg dans une famille de la classe moyenne, où ses parents ont encouragé son amour pour la littérature. Pendant la Première Guerre mondiale, il a été mobilisé comme infirmier, ce qui lui a donné une expérience directe des horreurs de la guerre. Cette période a eu une influence durable sur sa vision du monde et son œuvre ultérieure, dans laquelle il critiquait souvent le militarisme et les conséquences destructrices de la guerre. Après la guerre, il a commencé comme critique de théâtre et dramaturge, et dans les années 1920, il a déménagé à Berlin. Là, il a découvert le marxisme et a été fortement influencé par des penseurs et des artistes de gauche. Brecht s’est de plus en plus engagé dans la lutte contre les inégalités sociales et l’oppression, un thème récurrent dans son travail.
Brecht s’opposait au théâtre traditionnel, qu’il trouvait trop émotionnel et superficiel. Il a développé à la place le théâtre épique, un style destiné à inciter le spectateur à une réflexion critique plutôt qu’à une implication émotionnelle passive. Par l’humour, le jeu distancié et l’effet de distanciation (Verfremdungseffekt), il cherchait à mettre en lumière les contradictions absurdes de la société. Il utilisait cet effet pour briser l’illusion théâtrale et obliger le public à réfléchir au message de la pièce.
En 1933, après l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Brecht a dû fuir l’Allemagne en raison de ses convictions marxistes et de son opposition au fascisme. Il collaborait également avec des artistes juifs et était marié à l’actrice et dramaturge juive Helene Weigel, ce qui le rendait encore plus vulnérable sous le régime nazi. Son exil l’a conduit d’abord au Danemark, puis en Suède et en Finlande, avant de s’installer finalement aux États-Unis. Pendant cette période, il a écrit l’une de ses œuvres les plus célèbres, Mère Courage et ses enfants (1939).
En 1947, après la Seconde Guerre mondiale, il a été interrogé par les autorités américaines pour ses supposées sympathies communistes. Peu après, il a quitté les États-Unis et s’est installé en Allemagne de l’Est, où il a fondé le Berliner Ensemble avec le soutien du gouvernement communiste. Brecht est resté une figure influente du théâtre jusqu’à sa mort en 1956. Ses idées sur le théâtre et la société ont inspiré des générations de dramaturges et d’écrivains.
German Angst
L’Allemagne a connu plusieurs guerres dévastatrices au cours des siècles, chacune s’appuyant sur les traumatismes et les incertitudes de la précédente. Mère Courage et ses enfants se déroule pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui a commencé comme un conflit religieux entre catholiques et protestants avant de devenir une lutte de pouvoir européenne impliquant la Suède, la France, la Pologne et l’Espagne. Cette guerre a laissé une empreinte profonde sur l’Allemagne, tant physiquement que psychologiquement. La destruction prolongée, la mortalité massive (40 % de la population) et les atrocités extrêmes ont engendré un traumatisme collectif persistant pendant des générations.
La population était livrée à des armées itinérantes et des mercenaires qui pillaient, tuaient et violaient sans distinction. Le crime et l’anarchie régnaient, l’incertitude et la méfiance étaient omniprésentes, et les normes sociales se transformaient constamment. Ce traumatisme historique a contribué au concept de German Angst, une peur existentielle profondément ancrée du chaos et de l’insécurité. Le souvenir de cette guerre a renforcé une mentalité défensive et une tendance à la militarisation comme protection contre de futures menaces.
Même des siècles plus tard, le besoin d’un pouvoir fort et d’une armée disciplinée trouve en partie ses racines dans cette « catastrophe originelle » allemande. Ainsi, la Guerre de Trente Ans n’a pas seulement façonné la structure géopolitique de l’Allemagne, mais aussi sa psyché nationale et sa conscience collective. Ses répercussions se font encore sentir aujourd’hui, par exemple dans la politique allemande face à la guerre à Gaza ou aux élections parlementaires à venir.
Mère Courage, une femme ambiguë
Mère Courage et ses enfants (1939) se déroule pendant la Guerre de Trente Ans et suit Anna Fierling, surnommée Mère Courage, une marchande itinérante qui traverse l’Europe en vendant ses marchandises aux soldats. Son objectif est de tirer profit de la guerre tout en s’occupant de ses trois enfants – Eilif, Fromage Suisse et Katrien. Dans un monde marqué par l’incertitude, le chaos et la méfiance, Mère Courage se laisse guider par l’appât du gain, exploitant les opportunités offertes par le conflit. Son cynisme l’empêche d’apprendre de ses erreurs, et son refus d’imaginer une fin possible à la guerre finit par lui coûter ses enfants.
Brecht critique ainsi le capitalisme, montrant comment il ne résout pas la misère humaine, mais la perpétue. Son personnage s’inspire de Lebenbeschreibung der Ertzbetrügerin und Landstörzerin Courasche (1669) de Grimmelshausen, qui raconte l’histoire d’une jeune femme utilisant sa ruse et sa sexualité pour survivre. Brecht, cependant, en fait une mère célibataire pragmatique et impitoyable, troquant la séduction contre la stratégie commerciale.
Lisaboa Houbrechts centre sa mise en scène sur Mère Courage (Lubna Azabal) et son entourage : ses trois enfants (Pietro Quadrino, Aydin Isleyen et Lisi Estaras), ses deux amants – le cuisinier (Koen De Sutter) et le prédicateur (Joeri Happel) – ainsi que son associée Yvette (Laura De Geest). Elle perçoit Mère Courage comme un personnage ambigu et complexe, oscillant entre soin et pragmatisme, affection et distance.
La mise en scène met en avant la dimension genrée de l’économie de guerre. Yvette, par exemple, n’est pas seulement une travailleuse du sexe mais aussi une négociatrice active dans l’économie du conflit. Loin d’être innocentes, ces femmes comprennent comment la guerre marque les corps féminins.
Le drame cyclique de Lisaboa Houbrechts
Lisaboa Houbrechts présente cette œuvre politique sous forme d’une installation multidisciplinaire, où stratégies poétiques, métaphoriques et contemplatives jouent un rôle central. En intégrant des séquences oniriques à la manière de Lynch, accentuées par la musique d’Alain Franco et Aydin Isleyen et la lumière de Fabiana Piccioli, elle crée un contraste saisissant entre les scènes, en réponse à l’effet de distanciation de Brecht. Son adaptation dépasse le cadre historique pour créer un paysage indéfini et désolé, où se croisent des références historiques et futuristes : la Guerre de Trente Ans, les années 1930 en Allemagne et aux États-Unis, la Guerre froide et un futur dystopique, dessinant un continuum de conflit et d’oppression.
Un élément scénographique central est une sphère monumentale de trois mètres de haut, poussée sur scène et fonctionnant comme un symbole polyvalent. Elle évoque à la fois la charrette de Mère Courage, la balle qui tue Fromage Suisse et une tumeur menaçante produisant des sons allant de la guerre à l’opéra.
Lisaboa Houbrechts choisit délibérément de rendre la violence perceptible de manière indirecte, non par des confrontations explicites, mais par sa présence constante et sous-jacente dans la scénographie, le mouvement et la conception sonore d’Alain Franco. La menace reste cependant latente, maintenant les personnages dans un état de vigilance permanente et les amenant à aborder leur environnement avec méfiance. Ainsi, le spectateur est invité à ne pas considérer la guerre uniquement comme un phénomène historique, mais comme un phénomène existentiel et cyclique profondément ancré dans la condition humaine. Pourtant, Lisaboa Houbrechts continue de croire que tout espoir n’est pas perdu. À travers la beauté, la poésie et l’humour, elle insuffle des moments de légèreté au spectacle, portés par les chants du musicien kurde Aydin Isleyen. Elle fait également le choix d’un casting diversifié et intergénérationnel, réunissant des artistes aux parcours, expériences et disciplines artistiques variés. Ainsi, les musiciens Aydin Isleyen et Alain Franco, qui ne sont pas des comédiens professionnels, partagent la scène avec des acteurs chevronnés comme Koen De Sutter, Lubna Azabal, Joeri Happel et Laura De Geest. Par ailleurs, la chorégraphe Lisi Estaras traduit son rôle de la muette Katrien en un langage expressif du mouvement. Cette composition plurielle incarne une forme d’espoir : indépendamment de leur origine ou de leur passé, les interprètes se rassemblent sur scène pour raconter une histoire commune, rendant ainsi visible la force unificatrice du théâtre.
- Dina Dooreman
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Credits
texte BERTOLT BRECHT titre original Mère Courage et ses enfants mise en scène LISABOA HOUBRECHTS dramaturgie DINA DOOREMAN, ERWIN JANS acteurs LUBNA AZABAL, KOEN DE SUTTER, JOERI HAPPEL, AYDIN ÌşLEYEN, ALAIN FRANCO, LAURA DE GEEST, LISI ESTARAS, PIETRO QUADRINO musique originale PAUL DESSAU musique arrangée, musiques supplémentaires & conception sonore Alain Franco interprétation musicale ALAIN FRANCO & AYDIN ÌşLEYEN chant et saz AYDIN ÌşLEYEN Les chansons suivantes de Paul Dessau sur "Mère Courage et ses enfants" seront chantées sans accompagnement instrumental MON CAPITAINE – CHANSON DE MÈRE COURAGE, LA CHANSON DE LA GRANDE CAPITULATION, LA CHANSON DE LA FRATERNISATION ET DE ULM À METZcostumes OUMAR DICKO conception de lumière FABIANA PICCIOLI scénographie LISABOA HOUBRECHTS & RALF NONN direction de la production ELLA DE GREGORIIS régisseur CARLO BOURGUIGNON technique d'éclairage MARGARETA ANDERSEN techniques du son BRECHT BEUSELINCK SURTITRAGE INGE FLORE TRADUCTION en Français: Irène Bonnaud (Bertolt Brecht est publié et représenté par L’ARCHE – éditeur & agence théâtrale. www.arche-editeur.com), in het Nederlands: Gerrit Kouwenaar. Hebrew : Amit Lebleng. Kurdish : Aynur Bozkurt. stagiair assistant de réalisation DAAN HAEVERANS & LUDWIG SANDER production KVS & TONEELHUIS coproductionTHÉÂTRE DE LIÈGE, LE PHÉNIX-SCÈNE NATIONALE DE VALENCIENNES, THÉÂTRE DE LA VILLE PARIS, PERPODIUM avec le soutien de THE TAXSHELTER OF THE BELGIAN FEDERAL GOVERNMENT VIA CRONOS INVEST, THE FLEMISH COMMUNITY & REGIO HAUTS-DE-FRANCE